1. PRÉSENTATION Révolution de juillet 1830, insurrection parisienne
des 27, 28 et 29 juillet 1830, née des brimades politiques subies par
l’opposition sous les ministères ultras de Charles X et qui a abouti
a la monarchie de Juillet.
2. LES ORIGINES DE LA RÉVOLUTION 2.1. Le régime coercitif de
Charles X o1m11mm
Durant la Restauration, deux mouvements dominent la vie politique : les ultraroyalistes
et les libéraux. Les premiers, dits aussi «ultras», prônent
le retour a l’Ancien Régime et refusent les acquis de la
Charte octroyée en 1815. Face a eux, les libéraux militent
pour l’institution d’un régime parlementaire légataire
des idéaux de la Révolution et de l’Empire, incluant les
principales libertés politiques et d’expression; ils tirent leur
force de l’appui d’une bourgeoisie ayant soif de reconnaissance
politique. Entre ces deux tendances, les constitutionnels, favorables a
une monarchie constitutionnelle dans le respect des libertés, représentent
le parti du milieu et de la réconciliation.
Après un court passage des constitutionnels au gouvernement (1818-1820),
la France est dominée par les ultras, sous les gouvernements Richelieu
(1820-1821) et Villèle (1821-1828). Leur mainmise sur la vie publique
et leur approche conservatrice du politique sont caractérisées
notamment par la loi sur le double vote au seul bénéfice des plus
riches (juin 1820), par la réintroduction en mars 1822 d’une loi
sur l’autorisation préalable, la censure et le «délit
de tendance» — concept qui permet tout type d’interdiction
—, et enfin par le rôle de l’Église dans l’encadrement
des masses (notamment dans l’enseignement).
Face a ce pouvoir coercitif, l’opposition libérale, marginalisée
et semi-clandestine, est réduite a organiser des conspirations.
Ainsi, la Charbonnerie, importante société secrate, prépare
un certain nombre de complots, qui sont tous déjoués. L’opposition
se trouve plus spoliée encore lorsque, succédant a Louis
XVIII en 1824, Charles X — qui jouit initialement d’un grand prestige
auprès du peuple — confirme l’orientation ultra.
Encouragés par la présence sur le trône d’un souverain
s’étant fait sacrer (1825) et revendiquant l’intégrité
du pouvoir royal, le comte de Villèle et les ultras reviennent sur les
principes de la France nouvelle que Louis XVIII avait prudemment préservés.
L’alliance du trône et de l’autel triomphe. Les Jésuites,
chassés du territoire en 1764, rentrent en France. A partir d’avril
1825, les vols dans les églises, les profanations, le manque de respect
du a un roi de droit divin sont punis de travaux forcés, voire
de peine de mort. Enfin, la promulgation de la loi sur le «milliard des
émigrés» indigne l’opinion du fait de l’énorme
ponction faite sur le Trésor public pour dédommager quelque 50
000 personnes.
2.2. De l’affirmation politique au déchainement de l’opposition
Dès 1826-1827, des manifestations de mécontentement témoignent
de l’hostilité de l’opinion r l’égard de la
politique conservatrice de Charles X et du comte de Villèle. Contre eux
se dressent les libéraux et les constitutionnels, mais également
une petite fraction des ultras.
Exaspéré par les diatribes qui le touchent, Villèle multiplie
les erreurs : conspué par la Garde nationale aprcs sa dissolution (29
avril 1827) et attaqué par les libéraux qui font échouer
une proposition de loi restrictive sur la presse (17 avril 1827), il fait dissoudre
la Chambre des députés le 5 novembre; puis, faute d’avoir
obtenu la majorité au scrutin des 17-24 novembre, il démissionne.
Quoiqu’échaudé, Charles X refuse tout compromis entre les
aspirations des ultras et la montée en puissance de la bourgeoisie libérale.
Après l’intermède prolongé du ministcre Martignac
(janvier 1828-aout 1829) et une timide amorce de libéralisation (sur
la presse), le prince de Polignac passe aux Affaires le 8 aout 1829. Cet émigré
notoire, ultra entre tous, compose un ministère royaliste extrémiste,
d’emblée impopulaire et brocardé par l’opposition.
Fort de son passé révolutionnaire, le marquis de La Fayette prend
la tete de la critique libérale. A l’extreme gauche se forme un
parti républicain sous la conduite de l’avocat et journaliste Marrast.
Le parti orléaniste, parrainé par Talleyrand, s’érige
en contre et réclame la déchéance de Charles X et l’intronisation
du duc d’Orléans. Tous ces opposants sont publiquement soutenus
par les fondateurs du National, Adolphe Thiers, Armand Carrel et Auguste Mignet.
La presse censurée ne cesse plus dès lors d’etre a
l’avant-garde du combat, jusqu’a etre a l’origine
directe des Trois Glorieuses.
3. DE LA CRISE A LA RÉVOLUTION
3.1. Les ordonnances de Saint-Cloud
Avec l’ouverture de la session parlementaire, en mars 1830, la crise s’emballe.
Le 18 mars, 221 députés signent une adresse au roi pour dénoncer
sa politique (voir adresse des 221). On y lit notamment que «le concours
du gouvernement avec les voeux du peuple constitue la condition indispensable
de la marche des affaires aet quei ce concours n’existe pas». Plutôt
que d’affronter l’opposition, le roi dissout la Chambre le 16 mai.
Mais sa stratégie échoue : le 13 juillet, l’opposition remporte
les élections.
Refusant de s’incliner devant ce verdict, Charles X fait promulguer les
ordonnances dites de «Saint-Cloud» le 25 juillet. Ces quatre textes
décrètent d’une part une nouvelle dissolution, mais aussi
la suppression complète de la liberté de la presse, une réforme
électorale favorable aux gros propriétaires fonciers — et
défavorable ç la bourgeoisie industrielle et des métiers
libéraux —, et enfin une nouvelle échéance électorale.
Le décret sur la presse — symbolique du refus d’ouvrir le
dialogue et du choix de gérer la crise par un coup de force — met
le feu aux poudres.
3.2. Les Trois Glorieuses
Le 26 juillet 1830, l’indignation agite les milieux journalistiques. A
l’initiative des rédacteurs du National, une pétition est
lancée et paraphée par quarante-quatre journalistes. Ce défi
fait également des émules parmi les typographes. A leur tour,
ils influencent le milieu ouvrier parisien, excédé par le manque
de libertés et l’absence de représentativité politique
du régime. Dans le meme temps, industriels et patrons d’ateliers
pactisent avec leurs employés. Eux aussi souhaitent obtenir une existence
dans l’échiquier politique. Libérés et encouragés,
les ouvriers se joignent alors r la foule des émeutiers, menée
par les imprimeurs. Des étudiants, lassés du carcan moral et religieux
dans lequel l’enseignement supérieur est enfermé, les rejoignent.
En réponse, les autorités nomment l’impopulaire maréchal
Marmont au commandement des troupes militaires de Paris. L’insatisfaction
qui s’ensuit favorise l’extension de l’émeute qui,
le 27 juillet, devient une réelle insurrection, avec la levée
en masse des quartiers populaires de l’Est et du Nord-Est parisiens.
Dans la nuit du 27 au 28 juillet, les barricades s’érigent. Le
lendemain, les insurgés prennent l’Hôtel de Ville et les
troupes de Marmont subissent une débandade. Le 29 juillet, maitres
des Tuileries et du Louvre, les émeutiers dominent la capitale. Un groupe
de députés nomment La Fayette commandant de la Garde nationale.
C’est un choix emblématique et réfléchi; La Fayette
a traversé les différents régimes — Révolution,
Empire, Restauration — et, derrière son nom, l’unanimité
peut se faire, une unanimité renvoyant aux cris de la foule célébrant
a la fois la République et Napoléon.
Au terme des Trois Glorieuses, le peuple est maitre de Paris. La bataille
a fait 1 000 morts (dont 800 chez les insurgés) et les partisans d’une
rupture radicale avec la monarchie peuvent croire en une vraie révolution.
Mais déja, en coulisses, les partisans d’un réformisme
timide et favorable au duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, agissent
dans le cadre de la Commission municipale fondée le 29 juillet.
3.3. Une révolution confisquée par la bourgeoisie libérale
Lorsque la Révolution éclate, la bourgeoisie d’affaires
et les orléanistes qui ont souhaité le renversement des Bourbons
nourrissent en effet la plus grande méfiance a l’égard
d’une solution républicaine. Leur alliance tacite avec les insurgés
est simplement conjoncturelle. Pour eux, l’idéal républicain
et ses principaux corollaires (abaissement du cens et suffrage universel) présentent
plus d’inconvénients que d’avantages. Aussi s’emploient-ils
a prendre de vitesse les insurgés : la solution orléaniste
semble la meilleure. Le duc est susceptible de garantir au mieux un compromis
écartant aussi bien le spectre de la monarchie d’Ancien Régime
que l’ombre sanglante des excès révolutionnaires de 1793-1794.
Il profite en outre d’une réelle popularité liée
a son passé. Il apparait donc comme un roi-citoyen libéral,
ni rétrograde ni révolutionnaire.
Dès le départ précipité du roi Charles X et r l’instigation
d’Adolphe Thiers, de La Fayette, de Jacques Laffitte et de Casimir Perier,
la lieutenance générale du royaume lui est proposée (30
juillet). Pour l’avoir acceptée, le 31 juillet, Louis-Philippe
est solennellement présenté au peuple de Paris depuis le balcon
de l’Hôtel de Ville. Ce «couronnement populaire», judicieuse
mise en scène dans une ville encore hérissée de barricades,
ne suscite pas l’engouement populaire. Il doit éviter les risques
de dérapage en dédiant cette nomination au peuple lui-meme. Et
cependant, a l’instant meme ou La Fayette embrasse le duc sous
les ovations du peuple, il «étouffe la République».
Le 9 aout 1830, Louis-Philippe, qui prete serment r une Charte révisée,
est déclaré «roi des Français» par les députés.
L’abaissement du cens, la liberté de la presse et la réintroduction
du drapeau tricolore sont trois de ses dispositions importantes et/ou symboliques.
Toutefois, la Révolution est rapidement confisquée par le roi-citoyen.
R son tour, il entre dans une logique conservatrice qui mène a
la désagrégation de la «monarchie de Juillet» et a
la Révolution de février 1848.
4. LA RÉVOLUTION DE 1830, MÉMOIRE ET MODELE
La Révolution de 1830 est une étape importante dans l’histoire
du sentiment républicain, bien que son issue reste libérale et,
surtout, nationale.
Sur le premier point, elle participe r la profonde imprégnation de l’idéal
républicain dans les milieux ouvriers et de la petite et moyenne bourgeoisie.
La crise endémique de la monarchie de Juillet ne fait, plus tard, que
conforter ce sentiment républicain et nourrir le souvenir hérodque
de juillet 1830, jusqu’a l’insurrection de février
1848.
A l’étranger, la Révolution devient un modcle, symbolisé
par une expression particulicre : la terminologie «roi des Français»
rend justice au peuple insurgé et suppose a priori que le pouvoir royal
ressort de la volonté de la nation. Or, a l’heure ou l’Europe
est agitée par des mouvements libéraux et nationaux, cette expression
sert, tout comme les événements des 27-29 juillet, de catalyseur
a l’accentuation des revendications unitaires en Allemagne et en
Italie, autonomistes en Belgique, Pologne et Grèce. En somme, la chute
de la branche ainée des Bourbons engage les Européens spoliés
par les conclusions du congrès de Vienne de 1815 a entrer en dissidence,
au nom du droit du peuple et des nations a disposer d’eux-memes.
Charles X abdiqua au terme de la révolution de juillet 1830, après
avoir accepté la nomination du duc Louis-Philippe d'Orléans comme
lieutenant général du royaume et régent. Son départ
marqua la fin du régne des Bourbons en France.
Jules De Poglinac
Président du Conseil en 1829, le prince de Polignac - ultraroyaliste
- est a l'origine des ordonnances qui déclenchent la révolution
libérale de juillet 1830.
S'inspirant des scènes de soulèvement populaire dont il fut le
témoin lors des journées de juillet 1830, Delacroix a imaginé
cette Liberté victorieuse, et transformé ainsi un épisode
historique en symbole universel. Passionné et épris de liberté,
Delacroix s'est lui-meme représenté a son côté,
coiffé d'un haut-de-forme, le fusil a la main.
Winterhalter. Portrait de Louis Philippe
Roi-citoyen, désireux de rompre avec le déploiement des fastes
d'Ancien Régime qui ont caractérisé le règne de
son prédécesseur Charles X, le roi est représenté
en uniforme de lieutenant-général.